Quotidiennement, dans les rues de nos villes, nous croisons des personnes en situation de grande précarité et d’exclusion. Derrière chaque visage se cache une histoire singulière, des parcours de vie souvent cabossés par les épreuves. Face à cette détresse, beaucoup d’entre nous ressentent un élan de solidarité mais ne savent pas toujours comment agir concrètement. Cet article a pour but de vous donner des clés pour aider les personnes sans-abri de manière bienveillante et utile, en vous appuyant sur l’expertise des associations spécialisées.
Comprendre la réalité des personnes sans domicile fixe (SDF)
Avant toute chose, il est important de mieux cerner qui sont les personnes SDF et pourquoi elles se retrouvent à la rue. Contrairement aux idées reçues, il n’existe pas un profil type mais une grande diversité de situations :
- Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, avec parfois des enfants
- Personnes isolées ou en couple/famille
- En rupture récente de logement ou dans l’errance depuis de nombreuses années
- Avec des problèmes de santé physique ou mentale, d’addiction, etc.
Selon les dernières données de l’INSEE, il y avait environ 143 000 personnes sans domicile en France en 2012, un chiffre en augmentation de 50% en 11 ans. Les associations estiment qu’elles seraient désormais plus de 250 000. Si les causes sont multiples, la crise du logement apparaît comme le principal facteur de bascule dans la rue, avec un parc social insuffisant et des loyers en forte hausse.
Pour être considéré comme « sans domicile » par l’INSEE, il faut :
- Soit avoir passé la nuit précédant l’enquête dans un lieu non prévu pour l’habitation (rue, abri de fortune, etc.)
- Soit avoir passé la nuit en centre d’hébergement d’urgence, en CADA, en hôtel, en logement payé par des associations
- Soit dormir chez des tiers de façon contrainte (perte de logement, violence, etc.)
Il faut aussi rappeler que la vie à la rue n’est pas un choix. Personne ne décide un jour de tout plaquer pour aller dormir dehors. C’est le résultat d’un long processus de désaffiliation, avec souvent une accumulation de ruptures (perte d’emploi, séparation, deuil, maladie, expulsion locative, etc.). Même si certains s’adaptent à la rue et n’envisagent plus d’en sortir après de longues années d’errance, ils aspirent tous à retrouver un « chez-soi ».
Les dispositifs publics d’aide aux personnes SDF
En France, il existe tout un ensemble de dispositifs gérés par l’État et les collectivités locales pour venir en aide aux personnes sans-abri :
- Le SAMU Social qui gère un numéro d’urgence (le 115) et des équipes mobiles pour secourir les personnes en détresse
- Les centres d’hébergement d’urgence pour accueillir temporairement les SDF, gérés par des associations
- Les CHRS (centres d’hébergement et de réinsertion sociale) pour les personnes en difficulté sociale avec un accompagnement dans le temps
- Les accueils de jour qui offrent des services essentiels aux grands exclus (douche, lessive, boisson chaude, soutien moral, etc.)
- Les restaurants sociaux qui proposent des repas à petits prix toute l’année
- Les pensions de famille et les logements d’abord pour les personnes très désocialisées qui ont besoin d’un suivi au long cours
Malgré tous ces dispositifs, de nombreuses personnes restent à la rue faute de place, notamment dans les grandes villes où la demande explose comme à Paris. De plus, certains SDF refusent les hébergements proposés car ils ne sont pas adaptés à leur profil : horaires contraignants, cohabitation difficile, éloignement, etc.
C’est pourquoi d’autres formes d’aide sont nécessaires, qu’elles viennent des pouvoirs publics, des associations, des citoyens. Car si avoir un toit est essentiel, les personnes à la rue ont aussi besoin de recréer du lien social, de retrouver leur dignité et l’estime d’elles-mêmes. Chacun peut y contribuer à son échelle.
Comment repérer et orienter les SDF vers les structures d’aide
Lorsque l’on croise une personne qui semble en détresse dans la rue, le premier réflexe est souvent de vouloir appeler les secours (police, pompiers, SAMU Social). C’est effectivement la bonne attitude s’il y a un danger vital immédiat. Mais dans la plupart des cas, il est préférable d’adopter une approche plus progressive :
- Observez discrètement la situation pour repérer d’éventuels indices de mal-être (prostration au sol, errance, confusion, appels à l’aide)
- Approchez-vous calmement et interpellez la personne en vous mettant à sa hauteur (accroupi par exemple) et en établissant un contact visuel
- Présentez-vous et demandez-lui si elle a besoin d’aide, avec bienveillance et sans jugement
- Si elle est réceptive, proposez-lui d’appeler le 115 pour trouver une solution d’hébergement ou orientez-la vers un accueil de jour proche
- Donnez-lui des infos pratiques sur les lieux où se restaurer, prendre une douche, laver son linge, recevoir des soins, etc.
- En fonction des besoins exprimés, proposez un geste solidaire : café, viennoiserie, carte de téléphone, tickets de transport, vêtements, etc.
L’idée est avant tout d’établir le dialogue avec la personne pour cerner sa situation et voir avec elle ce dont elle a besoin, sans rien lui imposer. C’est une approche respectueuse qui nécessite de prendre le temps, d’être à l’écoute sans être intrusif.
Si la personne n’est pas en capacité de répondre (ivresse, troubles psychiatriques, etc.) ou refuse votre aide, n’insistez pas. Vous pouvez laisser un message au 115 en donnant sa localisation précise pour qu’une équipe passe la voir. Pensez aussi à contacter la mairie ou les associations locales pour les informer de sa présence, surtout en période de grand froid.
Vous pouvez par ailleurs aider les SDF « à distance » en soutenant les associations : dons financiers ou matériels, bénévolat, diffusion sur les réseaux sociaux… Chaque geste compte !
Les bonnes pratiques pour créer du lien avec les personnes SDF
Au-delà de l’aide matérielle, les personnes sans-abri ont surtout besoin qu’on leur manifeste de la considération et du respect. La rue est un univers hostile et violent où l’on devient vite « invisible » aux yeux des autres, noyé dans l’indifférence générale. En prenant le temps de les regarder, de leur parler, de s’intéresser à leur histoire, on leur redonne un peu de leur humanité perdue.
Voici quelques conseils pour établir un contact positif et bienveillant :
- Adressez-leur un sourire et un bonjour lorsque vous passez devant eux, même sans vous arrêter. Ces petits gestes anodins pour nous sont précieux quand on vit dans la rue.
- Si vous entamez la discussion, commencez par des sujets neutres (météo, actualité, etc.) avant d’évoquer leur situation. Soyez dans l’empathie mais sans commisération.
- Écoutez leur récit s’ils ont envie de parler, sans les bombarder de questions. Ils ont souvent besoin de vider leur sac, de partager leur souffrance.
- Évitez les remarques moralisatrices du type « il faut vous prendre en main » ou les promesses intenables. Soyez dans l’instant présent, avec authenticité.
- Valorisez leurs qualités et leurs compétences plutôt que de pointer leurs manques. Beaucoup ont des talents insoupçonnés (artistiques, manuels…).
- Si le courant passe bien, n’hésitez pas à échanger vos prénoms. C’est important d’exister aux yeux de l’autre en tant que personne et plus seulement comme « SDF » et « passant ».
- Proposez éventuellement un autre rendez-vous (même endroit, même heure) pour maintenir le lien. La régularité est structurante quand on vit au jour le jour.
Bien sûr, chaque rencontre est singulière et il n’y a pas de « mode d’emploi » miracle pour créer une relation de qualité. Certains SDF sont très méfiants vis-à-vis des « gens normaux » ou se montrent agressifs. D’autres au contraire peuvent se montrer envahissants et vous solliciter de façon excessive. À vous de fixer vos limites en restant toujours respectueux.
Il arrive aussi que les personnes de la rue vous racontent des histoires abracadabrantes ou vous mentent sur leur situation pour susciter la pitié. Là encore, inutile de les braquer en les mettant face à leurs contradictions. Contentez-vous d’une écoute bienveillante sans forcément adhérer à leur récit.
L’essentiel est de leur témoigner votre considération par de petites attentions. Cela peut être des paroles réconfortantes, une blague pour les dérider, un regard complice, une poignée de main appuyée, etc. Tous ces signes de reconnaissance sont autant de points d’appui pour (re)bâtir leur estime personnelle.
Agir au quotidien pour faciliter le quotidien des sans-abri
En plus des rencontres de visu, vous pouvez soutenir les personnes SDF au quotidien par de multiples petits gestes solidaires et bienveillants. Cela demande peu d’efforts et pourtant cela améliore grandement leur ordinaire. Par exemple :
- Préparez des kits d’hygiène avec du savon, du dentifrice, des lingettes, des serviettes périodiques, etc. et distribuez-les quand vous croisez des personnes dans le besoin.
- Donnez vos vieux vêtements (manteaux, écharpes, gants, chaussettes…) encore en bon état et adaptés à leur taille plutôt que de les jeter.
- Offrez-leur des en-cas nourrissants et des boissons (barre de céréales, fruits secs, jus de fruit…) qui se conservent et qui les aideront à tenir en cas de coup de mou.
- Glissez-leur un livre ou un magazine qui pourra les distraire quelques heures, voire leur donner envie de reprendre le chemin de la lecture.
- Proposez-leur des tickets restaurant, des chèques services ou des bons d’achat qui leur permettront de choisir eux-mêmes de quoi manger et s’habiller.
- Laissez-leur de la monnaie pour qu’ils puissent s’acheter un café, recharger leur téléphone, prendre les transports si besoin, même si vous n’aimez pas donner d’argent.
- Renseignez-vous sur les associations près de chez vous et aiguillonner les SDF vers elles avec un plan ou une adresse précise. Beaucoup ne connaissent pas toutes les aides auxquelles ils ont droit.
Bien sûr, vous n’êtes pas obligé de donner quelque chose à chaque fois et à tous les SDF que vous croiserez. Faites-le quand vous le sentez, avec le cœur, sans culpabiliser. L’important est d’avoir une attitude généreuse et fraternelle au quotidien avec les plus démunis.
Vous pouvez aussi sensibiliser votre entourage (famille, amis, collègues…) à la cause des sans-abri en partageant avec eux vos expériences de rencontres, les articles ou vidéos qui vous ont touchés, les initiatives solidaires repérées près de chez vous, etc. Beaucoup de gens ont des préjugés sur les SDF (fainéants, violents, profiteurs…) et n’osent pas aller vers eux. En témoignant de ce que vous vivez, vous participez à changer leur regard.